Et si on continuait de ralentir en 2021 ?
Notre maison d'édition vous chouette une belle et vivante année !
En 2021, ouvrez des livres, investissez les libraires et les bibliothèques, envolez-vous au théâtre et au cinéma, retrouvez la possibilité pleine et entière de vous cultiver !
Pour bien démarrer cette nouvelle année, nous vous proposons un texte intitulé Une pâquerette dans la nuit, Ce retour de lecture de l'anthologie Ralentir nous a été proposé par le poète franco-équatorien Ramiro Oviedo, dont nous aurons le plaisir de publier prochainement Le ring du poète. Il est suivi d'un poème orchestré et recomposé par Ramiro Oviedo à partir de vers extraits des poèmes des trente auteur(e)s qui ont participé à cette anthologie. L'occasion de découvrir ou relire ces fragments poétiques avec le souhait fervent de Ralentir et de réapprendre à vivre.
Une pâquerette dans la nuit
Invités par La chouette imprévue, maison d’édition picarde installée dans la Somme, une trentaine de poètes ont apporté leurs voix pour écrire contre l’apnée. Résultat: Ralentir, une belle plaquette, plus petite qu’un carnet de chèques et plus grande qu’une carte bancaire, contenant quelques capsules d’oxygène qu’on peut mettre dans la poche de sa chemise pour flâner sans sortir.
Confrontés au sentiment de naufrage, de vivre les jours comme l’escroquerie d’un virus qui prône le déficit de futur et qui en passant nous gâche la vie, les poètes de Ralentir prennent leur temps pour nous dire que c’est l’heure d’appuyer sur le frein. Dans ce rendez-vous des poètes confinés, chacun écrit un manifeste pour dire stop à la tyrannie de la vitesse, conspirer contre la performance ou fantasmer sur les incertitudes. Il faut réapprendre à vivre. L’amour, l’humour et la mort y laissent leurs empreintes. Oui. On était emballés, maintenant on se calme pour mieux vivre. Et il faut du temps pour regarder une pâquerette dans la nuit, comme dit Benjamin Teissedre avec son illustration photographique.
La chouette a sélectionné des voix fortes et tannées qui ont déjà fait de la route. D’autres voies les côtoient, elles se cherchent dans la jungle des mots et des émotions. En tous cas, on a succombé au charme et à la légitimité esthétique du recueil. Voilà la vraie performance, dont le prix dérisoire de 3 euros n’explique que la volonté des éditeurs de chercher dans la Somme et ailleurs de nouveaux livres pour récolter de nouveaux lecteurs et – pourquoi pas ?- de nouveaux poètes. Une démarche éditoriale exemplaire qui mérite tout notre soutien.
Ramiro Oviedo
Ralentir et réapprendre à vivre
30 aérolites
Temps long de mémoire blanche / … /
Sourires, rires, baisers, cousus au silence du masque Béatrice Pailler
Et comment apprendre /La lenteur qui oblige/À vivre ? Agnès Doligez
— Comment tout cela va‐t‐il se terminer ? — Chérif Lekehal
s’attarder sur les espaces entre les silences
sur les interstices entre les souffles lents Claire Cursoux
REplis Obscurs des Poumons fatigués Aline Dansette
réveil qui sonne / un jour de plus ou de moins/
la couette est tombé / Antoine Durin
Le matin a l'odeur d'un café qui traîne Berry Bams
Nous regardons par la fenêtre, /Nos battements
de cœurs suspendus,/ Comme en écho les uns des autres Dominique Semren
Ralentir, c’est s’asseoir et laisser émerger
la jouissance de l’ennui qui vient nous taquiner Dominique Stacoffe
Le soir, mes paupières ne se ferment sur rien
Seule dans ma demeure/… À l’écoute/
Je tente l’immersion Jeannelle Szulc
Ce matin le réveil n’a pas sonné. /Ce matin c’est fou,
le temps qui fuyait/ On peut enfin y goûter !/ Loïc Lozac'h
pour des hommes, des femmes en blanc/…/
les poètes posent leurs perfusions/ Magali André‐Soulié
dans un tel ralentissement tout nous ramène au même
ennemi invisible au point que les rares fantômes
qui passent deviennent la cible de nos regards anxieux Michel Lamart
Chanter /Aux fenêtres/ Et faire naître/ Le nœud /
Du monde. / Mickaël Berdugo
Admirer les étoiles et se croire minuscule;/ Nathalie Quentin
une flamme… c'est un souvenir de paroles/ trahies /
que la consistance du temps a arrondi / Miguel Angel Real
Ce serait comme un film/ évoluant en vase clos/
au rythme d’un chat/ absorbé de toute sa langueur /
dans la course nuage des heures / Morgan Riet
on fabrique/ du temps à ellipse /des heures qui s’éclipsent/ Nadine Travacca
On m’a prescrit /Un arrêt/ On m’a dit : /« Arrêtez !»/ Simøné
Sur l’autoroute de l’absence de sentiments/
Je cherche le mode d’emploi des freins/ Patrice Maltaverne
peut‐être entendras‐tu / le battement sourd/
de la vie entre les pages/ Samuel Martin‐Boche
À pied, à cheval, en voilure./En voiture, râle en tire./
Qu’ailleurs, au pire on s’en tire./ Serge Besnard
Entends le confinement et prends la pause
Entends la planète (…) Sylvie Dekerpel (Amiens, 80)
Cherche carré d'un bleu ciel, /Derrière un mirage vitré./ Thierry Parmentier
La ville s'est tue, /Laissant place à la mélodie des oiseaux,/ Fabian Lemaire
Le printemps a baissé le masque / Franck Dekerpel
Je ne suis nulle part si ce n'est là où la ville rêve de moi Frédéric Mariette
Je vais bientôt mourir. Écrire (la goutte d’encre
apparentée avec la nuit),
n’est‐ce pas danser avec la mort ? Jacques Cauda
demain la ville sera nôtre Cathy Jurado
C’était beau, ce matin, mais c’était fade./
Fade, parce qu’il manque quelqu’un. / Élisabeth Grardel
Ramiro Oviedo
22 décembre 2020
Pour terminer, une photo d'un exemplaire de Ralentir envoyé depuis l'Espagne. Merci à Miguel Angel Real et à sa correspondante Mónica Manrique de Lara. de permettre à la poésie de traverser les frontières en cette période de replis sanitaires.
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